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Lumière sur… Le Mimbeau à l’Exposition Universelle de 1889

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Paris, la Ville Lumière, accueille l’Exposition Universelle en mai 1889. Vitrine du progrès et de la modernité, l’Exposition est l’occasion unique et exceptionnelle pour les exposants de présenter leurs savoir-faire au monde entier.

C’est dans un de ces pavillons que se pose François Grenier, ancien maire d’Arcachon et propriétaire d’une exploitation ostréicole au Mimbeau. Il ne sait pas encore que, quelques semaines plus tard, le premier personnage du pays s’arrêtera devant son stand.

Quand la Petite et la Grande Histoire se rencontrent ! Et où l’on croise le chemin d’une certaine Tour…

L’Exposition Universelle de Paris de 1889

Le 5 mai 1889 s’ouvre l’Exposition Universelle de Paris. 96 hectares de pavillons, 35 nations représentées, 61 722 exposants, plus de 41 millions de francs dépensés… cette dixième Exposition universelle célèbre les progrès technologiques, industriels et artistiques en cours, sous la thématique du centenaire de la Révolution française.

Parmi les attractions proposées, les quelques 32 millions de visiteurs découvrent une reconstruction de la Bastille et de son voisinage, le spectacle Wild West Show de Buffalo Bill, un chemin de fer Decauville qui circule entre le Champ de Mars et les Invalides.

Le chemin de fer Decauville à l’Exposition de 1889, photographie des frères Neurdein
Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, BOITE FOL A-EO-223 (9) (source : Gallica)

Le clou de l’Exposition ne manque pas d’impressionner les spectateurs : une tour en fer de 300 mètres de haut, construite par Gustave Eiffel et ses collaborateurs. Marquée par la défaite de 1870, la France compte bien restaurer son prestige international. La Tour Eiffel démontre brillamment les capacités industrielles et techniques françaises dans le domaine de la métallurgie et de la construction.

Gustave Eiffel au sommet de la Tour, photographie des frères Neurdein
Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, BOITE FOL A-EO-223 (10) (source : Gallica)

Au détour d’une allée, sur les bords de Seine, se dresse le pavillon dédié à l’ostréiculture. Les ostréiculteurs de toute la France, de Marennes-Oléron à La Tremblade, s’y réunissent. Parmi eux se trouve François Grenier, propriétaire du parc ostréicole du « Maine-Beau » au Cap Ferret.

François Grenier et le « Maine-Beau »

Né le 2 novembre 1829 à Villeréal, dans le Lot-et-Garonne, François Grenier est maire d’Arcachon du 19 décembre 1886 au 28 juillet 1888, date à laquelle il démissionne. Il exerce également la profession d’hôtelier puisque l’Hôtel de France d’Arcachon lui appartient.

Il est l’un des tous premiers ostréiculteurs d’Arcachon. En 1889, son fils et lui exploitent sept concessions, comprenant un peu plus de 12 hectares, aménagées de 1870 à 1888. Le parc ostréicole du Maine-Beau, ainsi qu’il est appelé à l’époque dans la presse, fait partie de son exploitation.

L’Avenir d’Arcachon, 9 juillet 1893 :
« La pointe du Ferret où se trouve le Maine-Beau, propriété ostréicole de M. Grenier, le restaurant Lavergne, le restaurant François, le débarcadère de la Ville-de-Rochefort, et d’autres maisons légitimeraient au phare, l’établissement d’une chapelle, comme il y en a une à la villa Algérienne. »
Guide d’Arcachon par De Gabory, 1896 :
« Non loin du restaurant Lavergne se trouve une vaste lagune transformée en partie en exploitation ostréicole dont le siège se nomme Maine-Beau et appartient à M. Grenier. »
La Gironde, 27 mai 1898 :
« Il y a le petit hôtel Lavergne et le restaurant François, l’établissement du Maine-Beau. »
L’Avenir d’Arcachon, 30 août 1906 :
« D’un pas alerte, je traverse la lagune qui forme l’anse ou conche dont nous avons parlé, et que bordait jadis au nord le Maine-Beau, appartenant à M. Auschitzky, puis à M. Grenier. »

Cap Ferret – La lugue et le phare (fonds François Bisch, Archives Municipales de Lège-Cap Ferret)

François Grenier est également un inventeur qui a rendu de grands services à l’industrie ostréicole sur le Bassin d’Arcachon. On lui doit les inventions :

  • des claires blindées : c’est dans ces réservoirs rectangulaires, entourées par des murailles de 30 cm de hauteur, recouvertes de tuiles qui en empêchent l’éboulement, que les jeunes huîtres sont déposées et y prospèrent à l’abri de tous les prédateurs auxquelles elles sont exposées lorsqu’on les jetait au sol.
  • des parcs élevés : les terrains élevés sont pour la plupart abandonnés par les ostréiculteurs car les huîtres ne peuvent pas s’y développer rapidement, les eaux n’y séjournant pas assez longtemps. Grâce à un système de vannes entre des digues, que la mer montante repousse et qui se ferment à la marée descendante, l’eau est retenue dans les parcs et permet ainsi l’engraissement des huîtres.

Il est nommé à ce titre Chevalier du Mérite agricole le 14 juillet 1886 : « Grenier (François), ostréiculteur à Arcachon (Gironde). A développé l’industrie ostréicole en introduisant dans la baie d’Arcachon des claies qui assurent la conservation des huîtres comestibles. »

L’ostréiculture à l’Exposition

Le pavillon de la classe 77, consacré aux poissons, crustacés et mollusques, est plutôt modeste. Ainsi que nous le raconte le journaliste de La Petite Gironde au début du mois de juin, les exposants ont dû se contenter

« d’un petit espace resté disponible, au bord de la Seine, à côté du débarcadère des bateaux-mouches. Il faudra une persévérance des plus méritoires pour arriver à le découvrir.
Le bâtiment est simple, simple comme son budget. Le centre en est occupé par une série de bacs doubles en ciment que les ostréiculteurs, isolés ou syndiqués, se proposent de garnir de leurs plus beaux produits.
Une annexe du bâtiment contient de vastes réservoirs en ciment qui gagneraient peut-être à être plus épais, et destinés à contenir l’eau salée nécessaire à l’alimentation des bacs.
On évitera cette fois de faire venir de la rue, comme en 1878, l’eau dont le prix de revient fut excessif, et on compte employer de l’eau de mer artificielle […]
Au fond seront les expositions des ministères de l’agriculture et de la marine. Tout près, à la place d’honneur les emplacements sont retenus par les grands ostréiculteurs et les Syndicats de La Teste et d’Arcachon, disposés en trophées symétriques. En face, la Bretagne et la Normandie. Vers l’entrée, les parcs de Marennes et de La Tremblade, enfin la culture des eaux douces, la pisciculture et les laboratoires d’études. […] »

Extrait du plan de l’Exposition universelle de Paris de 1889 (Gallica)
Le pavillon de l’ostréiculture est situé sur les bords de Seine, à droite des pontons de débarquement.

Vue aérienne depuis un ballon de l’Exposition Universelle de Paris de 1889, photographie d’Alphonse Liébert (LOT 7586, Library of Congress, Prints and Photographs Division, Washington, D.C., USA)
En bords de Seine, avant le pont, de gauche à droite : les Chambres de Commerce (bâtiment blanc coupé), le pavillon de l’ostréiculture, le pavillon de la Compagnie Transatlantique (bâtiment rond), le pavillon de l’exposition maritime.

Les pavillons en bords de Seine, photographie des frères Neurdein
Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, BOITE FOL A-EO-223 (10) (source : Gallica)

Même photographie. Au fond, le Palais des produits alimentaires, les Chambres de Commerce, puis le pavillon de l’ostréiculteur (petit bâtiment simple), le Panorama de la Compagnie Transatlantique (bâtiment rond).

La visite du Président de la République

Le 9 juillet 1889, le Président de la République Sadi Carnot visite les allées de l’Exposition universelle. Il inaugure les pavillons de la Bolivie et de la Finlande et se rend ensuite au palais du pétrole. Après avoir admiré l’exposition maritime et fluviale, il s’arrête au pavillon de l’ostréiculture et de la pisciculture. L’accès durant la visite présidentielle est rigoureusement interdit au grand public. Un journaliste de la Revue des pêcheries maritimes obtient l’autorisation de rester dans le pavillon. C’est grâce à lui que nous avons aujourd’hui les détails de cette visite.

Les officiels commencent par la présentation du bassin d’Auray, dans le Morbihan, et la démonstration d’un couteau à ouvrir les huîtres. Le Président déguste quelques huîtres des parcs des Sables d’Olonne. S’ensuivent les expositions des ostréiculteurs de Marennes, des Sables d’Olonne, de La Rochelle, de l’île d’Oléron, d’Arcachon, etc. Le chef de l’Etat s’arrête longuement devant « la jolie installation collective » des parqueurs de l’Union syndicale de La Teste. Il examine tout particulièrement la maquette du parc que M. Grenier entretient au Cap Ferret. Un parc « si savamment composé », juge le journaliste, qu’il « mérite une mention spéciale. »

« Adossée au golfe de Gascogne, sise entre l’Océan et le Bassin d’Arcachon, une dune de sable court du nord au sud, au centre de laquelle et dans une lagune est situé le Maine-Beau, exploitation huîtrière dont les parcs sont alimentés par une lugue ou canal, qui amène l’eau de mer venant du Bassin. Vers la partie nord de la propriété on voit le phare ; vers la partie sud, la passerelle conduisant au débarcadère des bateaux à vapeur ; à l’ouest, une lisière de bois de pins, qui a une profondeur de un kilomètre et demi dans le sens de l’Océan ; à l’est, l’habitation appelée Maine-Beau, qui, pour l’exploitation des parcs, est pourvue d’un chemin de fer système Decauville et d’une chaudière pour coaltarer les caisses qui, chaque année, ont besoin d’être réparées. Les parcs s’étendent sur une longueur de 300 mètres environ, avec une largeur de 100 mètres, soit 6 hectares de superficie.
Mais, pour voir l’exploitation ostréicole dans son ensemble et au point de vue pratique, il faut se placer, comme pour le plan, en tournant le dos à la lugue ou canal par où arrivent les eaux salées à la marée montante. La première digue que l’on rencontre est pourvue de vannes s’ouvrant au flot, se fermant au jusant. Dans le premier carré se trouvent : 1° Les collecteurs, tuiles garnies de chaux ou de mortier, destinés à recevoir le naissain que, plus tard, on détroque pour mettre en caisse. 2° Les caisses ostréophiles, dans lesquelles sont renfermées les huîtres de détroquage, c’est-à-dire les huîtres toutes petites et fraîchement détachées des tuiles. Ces caisses ostréophiles contiennent une moyenne de 5,000 huîtres chacune, et, comme il y a 2,000 caisses, il se fait donc un élevage d’environ 10 millions d’huîtres.
Nous trouvons ici une seconde digue construite suivant le même système de vannes que la première. Dans ce deuxième carré se trouvent : 1° Les claires blindées destinées à assurer aux jeunes huîtres une protection contre les crabes et certains poissons, ennemis les plus redoutables de leur enfance. Les huîtres restent dans ces claires blindées jusqu’à dix-huit mois. Au bout de ce temps, celles qui atteignent la dimension de 5 centimètres de diamètre, ce qui les rend marchandes et propres à l’exportation pour l’élevage, sont transportées dans des compartiments d’un autre ordre.
2° Les compartiments, dont le fond forme une surface plane, et entourés d’une bordure. Là les huîtres reposent sur le sable, classées par catégories d’âge et de grosseur. Quand les huîtres de dix-huit mois ont, dans ces claires blindées, acquis une grosseur de 5 centimètres et au-dessus, on les transfère dans de nouveaux compartiments. A l’âge de deux ans, elles sont l’objet d’un nouveau triage, à l’issue duquel ou bien on les livre à l’exportation, ou bien on les répand dans des claires d’élevage d’où elles ne sortent plus que pour être livrées à la consommation.
Le parc est clos enfin par une dernière digue qui, en s’étendant d’une côte à l’autre, forme un réservoir à écluses pouvant garder une quantité d’eau suffisante pour permettre d’établir un courant continuel sur toute l’étendue du parc, d’une vitesse de 3 nœuds dans les petites marées et d’une vitesse bien supérieure dans les marées de syzygies . Car toute l’eau qui arrive des escourres situées au-delà de la passerelle, descend vers le réservoir avec abondance et rapidité, de telle sorte que le parc est toujours couvert d’eaux vives pendant les huit heures qui séparent deux marées, laps de temps durant lequel toute la côte et l’extérieur du parc restent à sec.
Voilà, très brièvement exposés, à l’aide du plan en regard, le mécanisme et l’application du système qui a permis à M. F. Grenier d’utiliser pour la première fois les parcs élevés. On peut estimer qu’il y a là une découverte, une précieuse invention qui fera faire de très grands progrès à l’ostréiculture. »

Par son attention aux explications données et ses nombreuses questions, le Président de la République montre qu’il connait le sujet de la pêche et de l’ostréiculture. Sa venue dans le pavillon est un véritable atout pour la profession :

« Nous croyons que Monsieur Carnot a remporté de sa visite à travers les allées du pavillon des pêches une excellente impression. En tout cas, sa présence en a produit une très bonne et a été un précieux encouragement pour les exposants. A son entrée, comme à sa sortie et comme toujours, d’ailleurs, M. le Président de la République a été l’objet de manifestations très sympathiques. »

Sa visite de la journée se conclut par les Chambres de Commerce, puis le Palais de l’Alimentation et enfin le pavillon du Portugal, toujours sur les bords de Seine.

Lors de cette exposition universelle, François Grenier reçoit une médaille d’or dans sa catégorie. Il est également élevé au grade d’officier du Mérite agricole par décret du 10 novembre 1889.

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“Les souvenirs d’un homme constituent sa propre bibliothèque.”
Aldous Huxley, écrivain anglais (1894-1963)

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79 avenue de la Mairie, Lège bourg
archives@legecapferret.fr
05.57.17.07.80

Sources et références

Les Archives municipales de Lège-Cap Ferret :

  • Fonds François Bisch

Retrouvez les cartes postales de François Bisch sur son site Internet

Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF :

  • Revue des pêcheries maritimes : organe spécial de l’ostréiculture et de la pisciculture, 15 juin 1889
  • Ministère du Commerce, de l’industrie et des colonies. Exposition universelle internationale de 1889 à Paris. Rapports du jury international, publiés sous la direction de M. Alfred Picard, Classe 77 : poissons, crustacés et mollusques. Rapport de M. Edmond Perrier
  • Photographies de l’Exposition Universelle de Paris de 1889 par les frères Neurdein, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie
  • Journal Officiel de la République Française du 17 juillet 1886
  • Journal Officiel de la République Française du 12 novembre 1889

RetroNews, le site de presse ancienne :

  • La Petite Gironde, 3 juin 1889

Library of Congress :

  • Vue aérienne de l’Exposition Universelle de Paris, 1889, photographie d’Alphonse Liébert, LOT 7586, Prints and Photographs Division

 

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