L’archive du mois d’avril 2024 !
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Lumière sur… Les brevets d’invention de l’INPI
LES ARCHIVES MUNICIPALES DE LÈGE-CAP FERRET ONT POUR VOCATION DE CONSERVER LES ARCHIVES PUBLIQUES, MAIS AUSSI DES DOCUMENTS PRIVÉS, UNIQUES ET PARFOIS PERSONNELS. TOUS LES MOIS, DÉCOUVREZ UN DOCUMENT INÉDIT SUR VOTRE COMMUNE ! PAR SON INTÉRÊT HISTORIQUE, SON ASPECT ESTHÉTIQUE, OU SON ORIGINALITÉ, CE DOCUMENT TÉMOIGNE DE LA MÉMOIRE LOCALE.
Ce mois-ci, nous mettons à l’honneur le nouveau site des archives historiques de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI). Une véritable mine d’informations et de trésors à découvrir ! Vous y trouverez en libre accès les brevets d’invention délivrés en France de 1791 à 1901 et les marques de fabrique et de commerce enregistrées entre 1857 et 1920. Certes, la commune de Lège-Cap Ferret n’est pas représentée dans ces brevets mais nous vous présentons ici quatre merveilles d’inventivité et d’innovation, qui intéressent de près ou de loin le Bassin d’Arcachon.
Notes sur les brevets
La recherche sur le site est assez simple et intuitive. Elle peut se faire :
- par recherche libre
- par le numéro du brevet (à partir de 1844)
- par la commune (le mode de recherche que nous avons privilégié)
- par la profession du déposant
- par l’année de dépôt
Au XIXème siècle, le brevet d’invention est délivré à son déposant pour une durée limitée, cinq, dix ou quinze ans, au choix de ce dernier et au bout de laquelle il peut le renouveler. A cette époque, il n’y a pas d’examen technique de l’invention. La mention « Sans Garantie Du Gouvernement » ou « SGDG » doit donc être appliquée sur les objets ou les machines. Plus bas, il est bien spécifié à l’inventeur que le brevet est délivré « sans examen préalable, à ses risques et périls, et sans garantie, soit de la réalité, de la nouveauté ou du mérite de l’invention, soit de la fidélité ou de l’exactitude de la description. »
Le pot Hugues (1845)
C’est un petit pot en terre cuite iconique de la forêt des Landes de Gascogne et de son exploitation par les résiniers. Le brevet d’invention, enregistré sous le numéro 969, est déposé par Pierre Hugues le 28 février 1845, sous l’intitulé suivant : « Mode d’extraction des matières résineuses des arbres qui les produisent, à l’aide d’un réservoir ou récipient mobile ». Ce brevet a été modifié à quatre reprises (en juin et décembre 1845, puis en février et juin 1846).
Pour être tout à fait exact, l’ancienne méthode de récolte de la résine (le gemmage au crot, un trou foré au pied de l’arbre) est remplacée ici par l’ajout d’un « vase clos ou récipient mobile quelconque, doué de la faculté d’ascension ».
Pierre Hugues préconise également une nouvelle méthode d’incision de l’arbre. Au lieu de l’entaille réalisée en continu (la quarre), l’arbre devrait être percée au moyen d’un instrument semblable à la mèche dite anglaise pour réaliser un trou d’environ cinq centimètres de diamètre et sur une profondeur d’un centimètre. Cette entaille serait rafraichie de la même manière tous les cinq ou six jours. Au bout de trois mois environ, le résinier procédera à une nouvelle incision plus haut. Par ce nouveau procédé, l’arbre sera moins fatigué et le travail du résinier sera facilité.
Un pot de résine en terre cuite (fonds Norbert Lagueyte, Archives municipales de Lège-Cap Ferret)
Malheureusement, Pierre Hugues meurt pauvre et inconnu le 16 février 1850 à Saint-Esprit, sans avoir pu faire adopter son système. Son idée est reprise et l’usage du pot en terre cuite se généralise dans les années 1860 (soit après la péremption de son brevet d’invention). Grâce à son système, le rendement des résiniers est bien meilleur, la gemme est de qualité supérieure car, coulant dans le pot, elle n’est plus souillée par les impuretés de la terre. Seule la nouvelle méthode d’incision n’a pas été adoptée par les résiniers qui ont continué de pratiquer la carre en continu.
Le brevet du système Hugues à retrouver ici.
Un Système de voiture-traîneau pour aller sur le sable (1861)
Gustave Tournier, forgeron en voitures à Arcachon, souhaite révolutionner les véhicules pour leur permettre de s’aventurer sur le sable – et pourquoi pas dans les déserts ! Le 26 juillet 1861, il obtient le brevet n°50465 pour un « système de voiture-traîneau ». Son idée semble toute simple. Il suffit de remplacer les roues ordinaires à rayons des voitures actuelles par deux tambours en forme de tonneaux. « Ces tambours en offrant une grande surface d’appui sur les sables mouvants, » explique M. Tournier, « ne s’enfonceront pas comme le font les roues des voitures en usage jusqu’à ce jour ; et la forme de tonneau donné à mes tambours me permet de pouvoir tourner en courbe avec la même facilité qu’avec une voiture ordinaire ; cependant je pourrai également articuler mon avant-train par une cheville ouvrière, si c’était nécessaire pour faciliter le mouvement dans les courbes d’un petit rayon. » Le descriptif de l’invention est agrémenté de schémas et de dessins.
Croquis du système de voiture-traîneau par Gustave Tournier (brevet n°50465, Archives historiques de l’INPI)
Le brevet de la voiture-traîneau à retrouver ici.
L’ostréiculture revue par Michelet (1867)
Voilà un nom bien connu de l’ostréiculture arcachonnaise ! Jean Michelet, entrepreneur à La Teste, a marqué l’histoire de l’industrie ostréicole grâce à ses multiples inventions. Nous les retrouvons sous le numéro de brevet 77201, déposé le 27 juillet 1867. Le système Michelet propose un appareil complet de reproduction et de conservation des huîtres qui permet de faciliter l’étape du détroquage, c’est-à-dire retirer les jeunes huitres des tuiles.
En effet, la pratique existante offre quelques inconvénients, parmi lesquels l’impossibilité de ne détacher les huitres sans briser les tuiles ou les huitres elles-mêmes. Cela entraîne également des surcoûts pour le parqueur qui doit renouveler son stock de tuiles tous les ans.
Le système proposé par Jean Michelet se compose de quatre éléments distincts :
1° En un enduit hydraulique appliqué sur la surface des tuiles
Cette préparation de mortier composé de chaux hydraulique est capable de résister à l’action d’un séjour prolongé dans l’eau de mer. La tuile ainsi enduite retient plus d’embryons puisqu’elle offre plus de points d’adhérence. Au bout de six mois, toutes les jeunes huitres peuvent en être détachées sans être brisées ni blessées pour être placées dans l’appareil traité au point n°4.
2° En une tuile de forme spéciale
Le meilleur agencement des tuiles comme collecteurs est de les placer en ruches, c’est-à-dire posées sur cinq ou sept rangs superposés et disposés en sens contraire. Michelet estime que la tuile de Gironde, conique, ne permet pas une disposition stable et solide. Il propose alors sa tuile Michelet, cylindrique. A chaque extrémité est perforé un petit trou dans lequel est placé une cheville en bois qui doit retenir le rang immédiatement au-dessus. Les ruches ainsi constituées sont d’une solidité parfaite.
3° En un couteau de désagrégation, appelé localement « couteau à détroquer »
Le couteau imaginé possède deux pointes au lieu d’une seule. D’après son créateur, il est « excessivement commode, très expéditif et d’un usage indispensable pour l’opération si difficile de la désagrégation ou détroquage ».
4° En un appareil destiné à recevoir les jeunes huitres
A la suite du détroquage, les huitres en bas âge sont placées dans une caisse dite « ambulance ostréophile » destinée à les protéger de leurs nombreux et voraces ennemis comme les crabes ou les murex. Cette caisse en bois est fermée sur cinq côtés, le dessus est un cadre ou châssis mobile auquel est adapté une toile en fil métallique galvanisé dont la maille est assez serrée pour empêcher le passage de prédateurs. Dans cette caisse, les jeunes huitres blessées au point d’avoir la moitié et plus de leur coquille brisée, se conservent parfaitement et une nouvelle enveloppe se forme au bout de quinze jours. Si elles étaient restées dans un parc, sans autre protection, elles auraient été mortes ou dévorées en peu de jours.
Au fil de ses observations et de ses recherches, Michelet affine son invention et dépose plusieurs additifs à son brevet (de 1868 à 1871 puis 1874). Notons que l’ensemble de l’invention n’a cependant pas été utilisée par les ostréiculteurs. Les tuiles sont bien enduites, un couteau spécial est bien utilisé pour le détroquage, une caisse ambulance protège effectivement les jeunes huitres. En revanche, la tuile Michelet n’a pas fait son chemin jusque dans les parcs. Les ostréiculteurs utilisent toujours la tuile de Gironde.
Le chaulage des tuiles (fonds France Vidal Martin, Archives municipales de Lège-Cap Ferret)
Le brevet de Jean Michelet à retrouver ici.
Cependant, l’invention de Michelet n’est pas une nouveauté. Quelques années plus tôt, le docteur Eugène Kemmerer a lui-même proposé une chaux hydraulique. Largement diffusé, mais non protégé par un brevet, le procédé est déjà utilisé à Arcachon, sur les côtes de la Bretagne, les îles de Ré et Oléron, ainsi qu’en Angleterre. Kemmerer se plaint des « inventeurs » qui ne font que reprendre son idée mais il n’en poursuit qu’un seul, en l’occurrence Jean Michelet. Le 10 juin 1875, le brevet de Michelet est annulé par la Cour d’appel de Bordeaux.
L’annulation du brevet de Jean Michelet à retrouver sur cette page.
La Tour Eiffel (1884)
Le 18 septembre 1884, sous le numéro 164364, un brevet va marquer l’histoire de la France. Il est signé par trois ingénieurs : Alexandre-Gustave Bonickhausen dit Eiffel, Emile Nouguier et Maurice Koechlin (1).
Ils proposent une disposition nouvelle permettant de construire des piles et pylônes métalliques d’une hauteur pouvant dépasser 300 mètres. A cette époque, les montants des pylônes métalliques sont toujours reliés par des barres de treillis afin d’offrir une meilleure résistance aux assauts du vent. Les trois ingénieurs proposent de supprimer ces barres. Les explications sont assez techniques :
« Cette condition essentielle est obtenue en donnant, dans chaque cas, aux montants une courbure telle que les tangentes à ces montants, menées en des points situés à la même hauteur, viennent toujours se rencontrer au point de passage de la résultante des actions que le vent exerce sur la partie du pylône qui se trouve au-dessus des points considérés. Il en résulte que l’effort tranchant se trouve ainsi équilibré complètement dans les montants, ce qui permet de supprimer les treillis dans les faces. »
Enfin, les montants d’angles doivent être en forme de caissons, dont les parois évidées sont constituées par des barres-croisillons, diminuant ainsi la prise au vent.
Cette nouvelle technique de construction peut s’appliquer aux viaducs, aux observatoires météorologiques et astronomiques, etc.
A ce brevet est annexé un dessin… celui de la tour qui sera connue quelques années plus tard dans le monde entier comme la Tour Eiffel.
Croquis de la future Tour Eiffel par Messieurs Bonickhausen dit Eiffel, Nouguier et Koechlin (brevet n°164364, Archives historiques de l’INPI)
Le brevet de la Tour Eiffel à retrouver ici.
(1) Gustave Eiffel séjourna à plusieurs reprises à la Villa Madeleine, située à côté de la plage des Américains au Cap Ferret. Elle appartenait alors au docteur François dit Franck, médecin des hôpitaux et professeur au Collège de France. Des descendants de Maurice Koechlin se sont installés sur la commune.
Pour aller plus loin
Découvrez l’histoire de bien plus de merveilleuses inventions, utiles au quotidien, et de marques emblématiques dans la galerie des innovations sur le site de l’INPI : le lien est ici.
Quelques exemples : la pasteurisation, le récepteur radio, le papier calque Canson, le ski Rossignol, le stylo à bille, Sophie la girafe, la carte à puce, la cocotte-minute…
VOTRE HISTOIRE, NOTRE MÉMOIRE
“Les souvenirs d’un homme constituent sa propre bibliothèque.”
Aldous Huxley, écrivain anglais (1894-1963)
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79 avenue de la Mairie, Lège bourg
archives.ad@legecapferret.fr
05.57.17.07.80
SOURCES ET RÉFÉRENCES
Archives historiques de l’INPI :
- Pierre Hugues, brevet d’invention n°969, déposé le 28 février 1845
- Gustave Tournier, brevet d’invention n°50465, déposé le 26 juillet 1861
- Jean Michelet, brevet d’invention n°77201, déposé le 27 juillet 1867
- Alexandre-Gustave Bonickhausen dit Eiffel, Emile Nouguier et Maurice Koechlin, brevet d’invention n°164364, déposé le 18 septembre 1884
Archives municipales de Lège-Cap Ferret :
- Fonds France Vidal Martin
- Fonds Norbert Lagueyte
Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF :
- Société d’ethnologie et de folklore du Centre-Ouest, Aguiaine : revue de recherches ethnographiques, novembre 1994
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