L’archive du mois d’avril 2023 !

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Lumière sur… Le pacage en forêt domaniale

LES ARCHIVES MUNICIPALES DE LÈGE-CAP FERRET ONT POUR VOCATION DE CONSERVER LES ARCHIVES PUBLIQUES, MAIS AUSSI DES DOCUMENTS PRIVÉS, UNIQUES ET PARFOIS PERSONNELS. TOUS LES MOIS, DÉCOUVREZ UN DOCUMENT INÉDIT SUR VOTRE COMMUNE ! PAR SON INTÉRÊT HISTORIQUE, SON ASPECT ESTHÉTIQUE, OU SON ORIGINALITÉ, CE DOCUMENT TÉMOIGNE DE LA MÉMOIRE LOCALE.

Du 8 avril au 23 avril 2023, le service des archives accueille l’exposition du Bicentenaire de la Forêt des Sables. En collaboration avec la mairie et l’O.N.F., le Conservatoire patrimonial du Bassin d’Arcachon et du Val de l’Eyre, présidé par M. Joël Confoulan, célèbre les 200 ans de la forestation de la Presqu’île du Cap Ferret. A travers une exposition inédite, des conférences et des visites patrimoniales, vous découvrirez l’histoire de ce territoire depuis les premiers semis de pins. Le weekend du 15 et 16 avril, des animations sont proposées à la maison forestière de Grand Piquey : remise de prix des concours photo et dessin, démonstrations d’échasses, défilés de pinasses et bateaux traditionnels, jeux d’antan, cabane de pêcheur sur la plage, etc.

Le programme du Bicentenaire à retrouver en intégralité ici.

Cette « archive du mois » s’inscrit dans cette continuité et se lit en complément de l’article « Histoire de notre pays » paru dans la revue Presqu’île n°89.

L’interdiction du pacage

Bien que provisoirement octroyé en 1869 et 1870, le pacage des troupeaux est depuis interdit dans les forêts domaniales. Cette question intéresse particulièrement les populations de la Gironde et des Landes. Si le pacage a été autorisée par le passé, les Landais déplorent, en 1884, que ces propositions ont été faites dans des « conditions inacceptables » :

« Ainsi, sans parler des frais considérables qui étaient imposés pour clôturer les parcelles mises en défends, les moutons n’étaient pas admis au pacage dans les forêts défensables. Or, ces mêmes bêtes sont tolérées dans les forêts communales. Dans le courant de l’année 1880, l’Etat autorisa le libre parcours de tous les bestiaux, sauf pour les chèvres, en raison, parait-il, des dommages causés par les rigueurs de l’hiver 1879-1880. »

Les gardes des Eaux et Forêts sont chargés, entre autres missions, de veiller à la bonne application de la loi. Le 6 décembre 1885, le brigadier Pierre Dignau, affecté au triage de Piquey n°6, dresse un procès-verbal de délit de pâturage :

« … faisant notre tournée vers trois heures du soir dans la forêt de la Garonne appartenant à l’Etat, au canton appelé Pointe du Cap Ferret, sis au territoire de la commune de La Teste et dont le bois est âgé de dix-huit ans, Nous avons trouvé huit têtes de bêtes à cornes pacageant sans gardiens et à l’abandon dans le sus-dit canton :
1) Une vache sous-poil rouge clair âgée d’environ quatre ans
2) Une vache sous-poil rouge clair âgée d’environ trois ans
3) Une vache sous-poil rouge clair ayant la corne gauche cassée âgée d’environ onze ans
4) Deux génisses sous-poil rouge clair âgées d’environ six mois
5) Un taurillon sous-poil rouge clair âgé d’environ six mois
6) Un taureau sous-poil rouge clair âgé d’environ quinze mois
Ne connaissant pas exactement le propriétaire de ces animaux, nous avons essayé de les rallier pour les conduire vers la maison forestière du Truc Vert. Mais cela nous a été impossible, nous avons été obligés de le les abandonner en forêt.
D’après divers renseignements, nous avons acquis la certitude que ces animaux étaient pour appartenir au sieur Elies Jean fils, dit Liot, propriétaire et marchand épicier demeurant à Lège […] Les dégâts consistent en broutement d’herbes et en piétinement sur le sol forestier. La surface parcourue est d’environ quatre hectares… et ils y ont séjourné quarante-huit heures environ. »

Le véritable problème réside dans les statuts des propriétaires de la forêt : le bas des dunes, appelées lettes, appartient aux communes tandis que les dunes dépendent de l’Etat. Le parcours du bétail entre les uns et les autres devient donc impossible.

Contre le pacage : les arguments de l’Etat

En 1872, en réponse à la demande du Conseil Général de la Gironde, le Ministre des Finances refuse d’accéder à leur requête. Si le pacage dans les forêts domaniales était admis, les troupeaux détruiraient les semis de pins et rendraient ainsi l’ensemencement impossible :

« En ce qui concerne particulièrement les landes de Gascogne, l’exercice du droit de pâturage dans ces landes serait véritablement funeste.
L’Administration forestière est effectivement obligée, pour empêcher le déplacement des sables, dans les portions accidentellement dénudées, d’y exécuter des travaux d’entretien continuels ; de maintenir le peuplement toujours au complet au moyen de semis qu’elle exécute dès qu’il se produit une clairière.
Or, si on donnait accès au bétail dans ces forêts, il serait impossible d’y effectuer les travaux dont il s’agit, les habitants ayant toujours été accoutumés à abandonner leurs bestiaux à eux-mêmes sans aucune surveillance, ce qui dans la circonstance, aurait infailliblement pour effet de compromettre jusqu’à l’existence même des semis.
Ce danger serait surtout redoutable pour les dunes du littoral sur lesquelles les tempêtes ont le plus d’actions et qui sont précisément celles où le bétail se porte de préférence, à cause de la fraîcheur qu’il y trouve et de l’air salin qu’il y respire. »

De plus, le sol guère fertile n’offre que peu d’herbes pour les bestiaux. Le pâturage ne pourrait alors pas se pratiquer.

Pour le pacage : les arguments des conseillers girondins

Du côté des défenseurs de la mesure, le libre parcours dans les forêts domaniales est bénéfique aussi bien pour les habitants que pour l’Etat lui-même.

En 1902, L’Administration des Eaux et Forêts refuse d’accorder le libre pacage des troupeaux dans la forêt domaniale située dans la presqu’île du Cap Ferret. L’Etat justifie cette décision en évoquant un décret impérial de 1859 qui, à l’époque, avait vocation à protéger les jeunes semis de pins. Mais pour les promoteurs du libre parcours, la protection des jeunes pousses de pins n’est plus d’actualité. Plus de quarante ans après les semis, les pins ont grandi, se sont fortifiés et ils ne risquent pas d’être détruits par les troupeaux.

En parcourant les forêts, les troupeaux consomment ou piétinent les herbes au sol. Cela réduit les risques d’incendie en éliminant les broussailles et en diminuant le sous-bois. Cet argument sera repris à de nombreuses reprises par les conseillers généraux favorables à la décision, comme lors de cette séance de 1879 :

« On lui a répondu en s’appuyant de l’exemple de M. Lesca, propriétaire de vastes forêts placées dans les mêmes régions que celles de l’Etat, et de nombreux propriétaires dans les mêmes conditions qui non seulement font parcourir des forêts par le bétail leur appartenant, mais autorisent le parcours pour le bétail d’autrui, parce que la circulation du bétail dans les forêts ne cause aucun dommage et détruit le sous-bois, cause permanente d’incendies et obstacle à la circulation de l’air, élément indispensable au développement normal des forêts. Il va sans dire qu’il s’agit de limiter l’autorisation du libre parcours aux forêts défendables, celles dans lesquelles le bétail ne peut faire aucun mal. »

Le refus du libre parcours a causé la disparition de la race bovine et de la race chevaline (les petits chevaux landais). Or,

« le régime pastoral a son utilité ; il est indispensable à la culture proprement dite qui doit s’allier avec la culture forestière ; l’un et l’autre sont connexes et ne peuvent être séparées.
Le cultivateur landais s’attache principalement à produire cette alliance, d’heureux effets en ont été le résultat. L’administration des forêts ne saurait avoir intérêt à rompre avec les procédés pratiques appliqués par les landais cultivant et habitant le pays. C’est par cette alliance des cultures que le pays peut prospérer. »

En outre, sans bétail, la population ferret-capienne est privée de lait pour son alimentation, comme le soulignent les conseillers généraux en 1904. En effet, faire venir le lait depuis Arcachon coûterait trop cher et prendrait du temps.

Des demandes d’autorisation à répétition

Dès l’année 1872, les conseillers girondins, en particulier, MM. Duvigneau, Lesca, Alexandre Léon, Duvigneau, Clauzel, ou Guillot de Suduiraut, soutiennent les demandes des habitants et des conseils municipaux pour le libre pacage des troupeaux. Les demandes, réitérées au fil des années, trouvent porte close au Ministère de l’Agriculture et à l’Administration des Eaux et Forêts. Le 31 mars 1885, le Ministre de l’Agriculture signe enfin un décret accordant la tolérance du parcours des bestiaux (les bêtes à cornes, les bêtes de somme, les brebis et les moutons, mais pas les chèvres !) dans les dunes du littoral et dans les forêts défensables de l’Etat. Cependant, ce décret ne concerne que le département des Landes.

A partir de 1886, après demande du Conseil Municipal, les habitants de Lège reçoivent l’autorisation de faire librement parcourir leurs troupeaux dans les cantons défensables de la forêt domaniale. Cette autorisation est renouvelée tous les 3 à 5 ans (1889, 1892, 1897, 1901, 1903, 1906). En 1897 et 1901, l’autorisation est vivement attendue de la part des propriétaires et cultivateurs de la commune, « si malheureux et si éprouvés par les incendies des bois, la sécheresse et tous les fléaux qui, depuis quelques années, s’abattent sur toutes [leurs] cultures. »

Le Conseil Municipal de Lège renouvelle ses demandes de libre parcours au moins jusqu’à la fin des années 1930. En 1938, ce sont 22 vaches et 2 taureaux qui sont concernés (12 vaches et un taureau appartenant à M. A. Meyres, 10 vaches et 1 taureau pour M. Georges Cazel). Les dunes et lettes de la forêt domaniale concernées par le pacage sont celles des Hougas, des Ludins, des Agaçats, des Crohotons et du Croustet, des Aygues de Beguey nord et sud, des Aygues de Beguey, de Lescourre, du Crohot de Lescourre, du Crohot du Loup. L’année suivante, ce ne sont plus que 10 vaches et 1 taureau appartenant à M. Georges Cazel qui sont évoquées dans la demande.

Au Cap Ferret, une autorisation est accordée par le Ministre de l’Agriculture le 3 novembre 1904. En 1908, les habitants sont priés d’adresser leurs demande à M. Bordelais, adjoint spécial, avant le 15 février.

Votre histoire, notre mémoire

“Les souvenirs d’un homme constituent sa propre bibliothèque.”
Aldous Huxley, écrivain anglais (1894-1963)

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Service des archives
79 avenue de la Mairie, Lège bourg
archives@legecapferret.fr
05.57.17.07.80

Sources et références

Les Archives Municipales de Lège-Cap Ferret :

  • Délibérations du Conseil Municipal de Lège
  • Fonds O.N.F. : cahiers des préposés des eaux et forêts

Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF :

  • Rapports et délibérations du Conseil Général de la Gironde, 1872
  • Rapports et délibérations du Conseil Général de la Gironde, 1er janvier 1875
  • Rapports et délibérations du Conseil Général de la Gironde, séance du 27 août 1875
  • Rapports et délibérations du Conseil Général de la Gironde, séance du 30 août 1876
  • Rapports et délibérations du Conseil Général de la Gironde, séance du 2 septembre 1879
  • Rapports et délibérations du Conseil Général de la Gironde, séance du 14 avril 1885
  • Rapports et délibérations du Conseil Général de la Gironde, 1er août 1904
  • Rapports et délibérations du Conseil Général de la Gironde, 1er avril 1905
  • Arcachon-Journal, 9 février 1908

RetroNews, le site de presse ancienne de la BnF :

  • La Petite Gironde, 29 décembre 1884
  • La Petite Gironde, 14 avril 1885

 

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