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Lumière sur… Le chemin de fer des Landes de la Gironde

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Au XIXème siècle, dans une région (presque) dépourvue de voies de communication, le projet d’une ligne de chemins de fer exploiterait avantageusement des produits forestiers considérables et développerait des richesses naturelles importantes. C’est ainsi qu’est né le chemin de fer de la ceinture des Landes de la Gironde, dirigé par la Société générale des chemins de fer économiques. Voilà bientôt 140 ans qui nous sépare de sa mise en service et, bien que la ligne a été fermée, nous en suivons toujours les traces grâce aux pistes cyclables.

La genèse

En 1865, le Conseil Général de la Gironde examine déjà la possibilité de créer des lignes de chemin de fer autour du Bassin d’Arcachon, en particulier de Facture à Arès et au Porge. Un tel réseau ne semble pas prioritaire à l’époque :

« Votre commission ne pense pas que l’importance des localités que desserviraient ces deux lignes motive une aussi forte dépense [plus de 6 millions de francs pour 56 kilomètres]. Le trafic qu’elles peuvent fournir ne suffiraient pas à l’exploitation de voies de transport luxueuses, comme le sont les chemins de fer.
Les routes agricoles qui desservent la vallée de la Leyre et les rives du Bassin d’Arcachon sont à peine ouvertes; elles satisfont aux besoins du pays, et il faut au moins attendre qu’elles aient donné aux localités qu’elles traversent tout le développement qu’elles peuvent leur apporter avant de songer à doter ces contrées de voies de transport plus perfectionnées. 
M. l’ingénieur en chef Malaure est surtout conduit à vous proposer ces deux chemins, parce qu’ils font partie du réseau de ceinture qui desservirait les landes de la Gironde en suivant les limites du département depuis Grignols jusqu’à Lesparre. […] 
A mesure que les landes se développeront, il sera possible de les relier par des tronçons partiels  aux lignes ferrées de Cette, de Bazas, de Bayonne et du Médoc; mais l’idée d’un chemin de ceinture des landes de la Gironde, qui peut séduire au premier aperçu, ne nous paraît pas pratique. »

Des travaux retardés

En 1872, un premier projet de chemin de fer d’intérêt local est présenté devant le Conseil Général de la Gironde. MM. Charles Perroud, négociant, et Frédéric De Perre, ingénieur civil, en sont les instigateurs. La ligne projetée partirait de la station de Facture, passerait par Biganos, Audenge, Lanton, Andernos, Arès puis aboutirait à Claouey (une digue serait alors construite pour traverser le Bassin d’Arcachon).

En janvier 1873, « considérant que cette création est pour la commune et l’intérêt public d’un immense bien-être », le Conseil Municipal de Lège décide de céder gratuitement l’ensemble des terrains dont MM Perroud et De Perre auront besoin pour le projet. En revanche, aucun engagement n’est pris en ce qui concerne les parcelles appartenant à des particuliers. La question de ces terrains privés va revenir à plusieurs reprises dans le débat municipal. Mais la commune ne cesse de le répéter : elle ne peut concéder des terrains qui ne lui appartiennent pas ! 

Tableau indicatif parcellaire des propriétés atteintes par le chemin de fer d’intérêt local des Landes de la Gironde, commune de Lège, 7 juillet 1881 (Archives municipales de Lège-Cap Ferret)

Le 13 novembre 1874, le département de la Gironde concède à Perroud et De Perre le réseau du chemin de fer d’intérêt local des Landes de la Gironde. Le projet de convention de mai 1875 inclue un embranchement d’Arès au Cap Ferret dans le projet d’une ligne de Lesparre à Saint-Symphorien.

Leur contrat est résilié le 24 août 1877. Dans la foulée, M. Perroud obtient seul une nouvelle concession le 28 août. Cependant, cette nouvelle tentative est infructueuse. La société qu’il devait constituer ne voit pas le jour, et les obligations du cahier des charges ne sont pas remplies.

La concession est alors rétrocédée à de nouveaux candidats, en l’occurrence MM. Bernard et Faugère, représentants de la Compagnie des chemins de fer des Landes de la Gironde. La convention, signée le 3 décembre 1878 et approuvée par décret le 26 août 1879, concède pour une durée de 99 ans à cette compagnie le réseau des chemins de fer d’intérêt local. Là encore, la société ne tient pas ses engagements et se retrouve déchue de ses droits, faute d’avoir augmenté son capital-actions comme elle s’y était engagée.

Tous ces retards inquiètent fortement les conseillers municipaux de Lège. Lors de la séance du 18 mai 1879, ils font part de la situation préoccupante de la population ouvrière au chômage : 

« Un membre expose au Conseil qu’on ne comprend pas dans le pays les retards apportés dans le commencement des travaux du chemin de fer des Landes dont toutes les difficultés sont, dit-on, levées ; que ce retard est d’autant plus fâcheux que les ouvriers landais sont dans la misère par suite du manque de travail et des prix peu élevés des matières résineuses et qu’il lui parait très important de soumettre à M. le Préfet les besoins et l’état de détresse des ouvriers landais.
Le Conseil Municipal considérant que l’exposé ci-dessus est parfaitement exact ; que les ouvriers des Landes sont sans travail et par suite dans une situation malheureuse qui doit appeler l’attention de l’administration supérieure.
Considérant que les travaux du chemin de fer sont attendus avec anxiété par la population ouvrière qui ne demande que du travail pour atténuer ses souffrances,
Le Conseil émet le vœu que ces travaux soient commencés au plus tôt, et prie M. le Préfet de vouloir bien prendre ce vœu en sérieuse considération. »

C’est finalement la Société générale des chemins de fer économiques qui prend le relais (convention du 28 mai 1881, déclaration d’utilité publique le 22 août 1881). MM. Bernard et Faugère en sont toujours les représentants.

Les travaux commencent enfin au mois de juin 1882 sur le tracé Facture-Arès (21 km environ). Huit mois plus tard, le chantier démarre sur la section Arès-Lesparre (70 km environ).

Au printemps 1883, les travaux ont si bien avancé qu’un premier train a pu emmener les membres du conseil de révision à leur réunion de Facture à Audenge. Le train et la machine sont entièrement pavoisés de drapeaux tricolores pour l’occasion. Le voyage se déroule sans aucun incident. Le cortège est accueillie en gare d’Audenge par la fanfare qui entonne La Marseillaise.

L’inauguration de la ligne en 1884

La ligne Facture-Arès est mise en service le 7 janvier 1884. A 9 heures, une foule nombreuse salue M. Raynal, ministre des travaux publics, arrivé dans un train spécial depuis la gare de Bordeaux. Il embarque ensuite dans un train de la nouvelle ligne, qui s’arrête à chacune des stations. Ce déplacement d’un membre de l’Etat est l’occasion pour les édiles de la région de faire remonter leurs desiderata. A Arès, après avoir adressé ses remerciements au ministre, le maire de Lège lui fait part de ses doléances au sujet du libre parcours du bétail dans les forêts défensables de l’Etat. M. Raynal promet de transmettre le message à son collègue, le ministre de l’Agriculture. L’inauguration est perturbée par un accident : un jeune marin chargé des salves d’artillerie s’est blessé à la main à cause d’un des petits canons qu’il actionnait, et il a dû être transporté à l’hôpital Saint-André sur Bordeaux. 

La ligne entière est inaugurée le 19 octobre 1884, et la section Arès-Lesparre est à l’honneur le 20 octobre.

Le déclin des lignes de chemins de fer

Le 18 mai 1951, suite au déficit constaté de la ligne, le Conseil général de la Gironde examine la question de son maintien ou de son rachat (synonyme de suppression). Daniel Digneaux, conseiller général, milite largement pour le maintien de la ligne en avançant plusieurs arguments en sa faveur :

  • la fermeture de la ligne causerait « le chômage et la misère » pour plusieurs milliers d’ouvriers travaillant dans les scieries, les usines de distillation ou les entreprises ostréicoles, sans parler du licenciement des 450 agents du réseau.
  • la gare de Facture ne pourrait pas absorber seule le flux de marchandises.
  • le déficit d’exploitation pourrait être diminué grâce à la baisse des taxes versées à la S.N.C.F. pour l’exploitation et l’entretien des voies dans les gares communes, et grâce à la baisse des prix des carburants, actuellement au même niveau que pour leurs concurrents de la route.
  • les grands industriels de la région pourraient réserver leurs parts de marché au trafic ferroviaire et non plus aux routiers.

Deux autres conseillers généraux viennent appuyer l’argumentaire de M. Digneaux. M. De Gracia ajoute que le gain des recettes fiscales est conséquent pour le département et l’Etat. Enfin, M. Brun rappelle l’immense service rendu par les lignes de chemin de fer durant la Seconde Guerre mondiale. Alors que l’intégralité des camions étaient réquisitionnés par les autorités françaises puis par les troupes d’occupation, tous les bois de la région landaise ont été acheminés partout en France grâce au réseau ferré.

Le 17 mai 1952, la ligne Lacanau-Arès est belle et bien fermée au trafic voyageurs.

En mars 1953, la Société obtient de la commune de Lège une subvention de 10 000 francs afin de combler, en partie, le déficit d’exploitation causé par le transport par autocar. En effet, les élèves de Lège fréquentant le cours complémentaire prennent désormais le bus plutôt que le train pour se rendre à Audenge. Le Conseil reconnait d’ailleurs que « le transport en autocar de Lège à Audenge offre un intérêt certain ». Cette subvention est reconduite jusqu’en 1960.

Dans le même temps, le Conseil municipal affirme son soutien au maintien de la ligne de chemin de fer économique Lacanau-Facture, encore menacée de suppression en raison d’un déficit permanent : « le conseil s’associe à ce mouvement et demande que la ligne Facture-Lacanau, indispensable à la vie économique légeoise, continue à desservir notre région ».

Le 3 mars 1962, à la demande de M. Digneaux, les conseillers municipaux de Lège renouvellent le vœu exprimé en 1954, « considérant qu’elle [la ligne de chemin de fer] peut encore rendre de grands services notamment pour le transport de marchandises ».

Le 31 juillet 1978, le tronçon Naujac-Facture est fermé au service des marchandises. La ligne (et le réseau entier) est déclassée par le décret du 17 octobre 1979. Par délibération du 20 septembre 1985, le Conseil municipal de Lège donne son accord de principe au classement de l’ancienne voie ferrée d’intérêt local en chemin départemental à usage restreint, ce afin de pouvoir exercer des mesures de police.

A lire également : 

  • L’archive du mois d’août 2019 consacrée aux projets avortés de tramway sur la Presqu’île
  • L’archive du mois de janvier 2020 sur la gare de Lège

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Aldous Huxley, écrivain anglais (1894-1963)

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SOURCES ET RÉFÉRENCES

Les Archives municipales de Lège-Cap Ferret :

  • Délibérations du Conseil Municipal de Lège
  • Dossier sur les Chemins de fer économiques

RetroNews, le site de presse ancienne de la BnF : 

  • La Petite Gironde, 5 janvier 1879
  • La Petite Gironde, 30 avril 1883
  • La Petite Gironde, 7 janvier 1884
  • La Petite Gironde, 20 octobre 1884

Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF : 

  • Rapports et délibérations du Conseil Général de la Gironde

 

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