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Lumière sur… Le « raz-de-marée » de 1924
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Il y a 100 ans exactement, une tempête frappe les côtes françaises. De la Bretagne au Pays Basque, le littoral atlantique est secoué par des vents violents et surtout par un « raz-de-marée ». La côte noroit n’est pas épargnée et subit de nombreux dégâts. Retour sur cette nuit tourmentée.
Récit de cette nuit de tempête
Dans la nuit du 8 au 9 janvier 1924, une dépression très creuse, née dans l’Atlantique nord, gagne la Bretagne en 12 heures et touche les côtes françaises. La tempête associée à cette dépression balaie l’ensemble du littoral atlantique ainsi que la Bretagne. Elle s’accompagne d’une pression très basse (un minimum barométrique de 950 hPa) et de forts vents de sud-ouest « qui soufflent en cyclone ». D’après Météo France, les mesures de vent de l’époque sont peu nombreuses et peu fiables. Les vents ont probablement atteint 8 Beaufort en maximum sur la façade atlantique, soit un vent moyen d’environ 70 km/h et des rafales proches des 100 km/h. Cette tempête génère de bonnes pluies, mais sans être excessives. Ce sont surtout les vagues extrêmement violentes, que les journaux de l’époque qualifient de « raz-de-marée », qui occasionnent des ravages en submergeant l’intérieur des terres.
Un habitant de la Pointe du Cap Ferret raconte
« avoir vu et entendu venir cette lame, dix minutes après le maximum de la marée du 9 janvier : elle se serait avancée dans un grondement, un fracas sinistre bien reconnaissable; lui et sa famille se seraient enfermés hermétiquement dans leur habitation, en face de la pointe ou « dent » de l’Escure (sic), afin de se mettre à l’abri.
La vague passa. Une seconde lame suivit bientôt. Puis, un grand calme. Deux montagnes d’eau, selon le narrateur, auraient empli et fait déborder le bassin de toutes parts. »
Dans son autobiographie, Madame Lescarret-Lacrampe, vivant au Cap Ferret, se souvient de cet épisode :
« Le raz-de-marée qui a eu lieu à 7 heures du matin a ouvert de nombreuses brèches dans le pays, et déplacé les embarcations qui se promenaient… dans la forêt. Le chai de cette habitation a été démoli et une partie de son contenu emporté par les flots.
Quelques jours après, mon père, qui avec d’autres personnes recherchaient les épaves possibles, sur la plage et en particulier au pied de la dune du Pyla, où le courant avait déposé pas mal de choses, rencontra un marin qui lui dit avoir trouvé une bouteille avec des titres à l’intérieur. Oh ! dit mon père, j’en connais la propriétaire.
Effectivement, ma tante avait confié ses petites économies à cette bouteille, enfouie profondément dans le sol dudit chai, où, pensait-elle, qui diable, pourrait aller les y chercher, d’autant plus qu’elles se trouvaient placées sous une lourde baille destinée au chaulage des tuiles, et remplie d’un tas de choses diverses, dont le tout devait représenter un certain poids.
La nature a de ces caprices imprévisibles et la mer soulèverait des montagnes, tout au moins, en l’occurrence un petit matériel assez lourd. Cas unique en son genre ! »
Les dégâts sur la commune
Sur la commune de Lège, ce sont évidemment les villages de Claouey, Les Jacquets et Petit Piquey qui ont été touchés par la vague. A la demande de la Préfecture, la municipalité établit une liste récapitulative des sinistrés et le montant estimé des dégâts qu’ils ont subis.
Liste récapitulative des sinistrés de la commune de Lège et du montant estimatif des dégâts subis, envoyée le 30 janvier 1924 à la Préfecture de la Gironde (Archives municipales de Lège-Cap Ferret)
On retrouve parmi eux:
- Martial Roux, ostréiculteur
Ses parcs à huîtres sont dévastés; des caisses ambulances, des casiers et des piquets ont été endommagés; il déplore également la perte d’huîtres.
- Auguste Saubesty, aubergiste à Petit Piquey, en bordure du Bassin
Le gérant de « Chez Auguste » a perdu une grande partie de son mobilier (lits, matelas et sommier, tables, vaisselle cassée). Le bâtiment a été détérioré (vitres brisées, soubassement de la véranda démoli). Il chiffre les dégâts à 4 785 francs.
Lettre d’Auguste Saubesty fils, datée du 14 janvier 1924 et envoyée au Maire de Lège (Archives municipales de Lège-Cap Ferret)
- M. Monguillot, habitant de Piquey
Ses garages sont en partie démolis et il a perdu beaucoup d’outillage, le tout estimés à 400 francs.
- Pierre Dupuch, ostréiculteur aux Jacquets
Il signale lui aussi la perte d’outillage de menuiserie (dont des outils neufs, un établi, deux scies, trois ciseaux à bois, deux presses, etc.).
- Louis Baffogne, résinier à Claouey
Onze de ses poules ont disparu ainsi que de la corde pour bois de chauffage.
- Georges Lesca
Le « raz-de-marée » a gravement endommagé les digues et les réservoirs à poissons de sa propriété des Jacquets (anse du Sangla). « Dans l’impossibilité de trouver dans le pays la main d’œuvre nécessaire à l’exécution des réparations, » écrit-il au maire, « et en présence des frais considérables qu’entraineraient ces travaux, j’ai songé, un instant, à abandonner la remise en état. Mais il en résulterait la destruction des pins d’une grande partie de la propriété, qui, périodiquement, serait submergée par les eaux salées rentrant par les brèches faites dans les digues, et les habitations avoisinantes seraient aussi atteintes par les eaux. » Le montant des travaux est si élevé qu’il ne peut les entreprendre qu’avec l’aide de la commune ou de l’Etat : 62 300 francs pour colmater les brèches, réparer l’écluse, et compenser la perte de 2 500 kilos de mules partis dans le Bassin. Il suggère la possibilité de faire passer sur sa digue le tronçon en construction de la route de Claouey à Piquey : « Je demande que ce tronçon qui doit contourner le fond des réservoirs aboutisse plutôt directement à la digue précitée. Ladite route en sera raccourcie et gagnera en pittoresque en côtoyant directement le bassin. »
Au Petit Piquey, une digue de protection a cédé, et l’eau a envahi les habitations et la maison d’école qui a dû être évacuée pour plusieurs jours.
La maison forestière de Grand Piquey est elle aussi touchée par la tempête. Alexis Porcher, le préposé des Eaux et Forêts, note plusieurs arbres déracinés (dont un d’une hauteur de 10 mètres et d’un diamètre de 2,40 mètres ). La clôture de la propriété est également endommagée.
La partie sud de la Presqu’île est plus durement touchée, comme le rapporte la presse locale :
« Arcachon est favorisé. Tandis que le raz-de-marée occasionnait de véritables désastres dans les villages du littoral et particulièrement au Cap Ferret, les dégâts de nos concitoyens ne dépasseraient pas 17 mille francs. » (L’Avenir d’Arcachon du 20 janvier 1924)
« Le Cap Ferret a été très éprouvé. On nous affirme que l’hôtel Bellevue et sa magnifique terrasse sur l’Océan se seraient écroulés; la villa des Pêcheurs et beaucoup d’autres constructions ont été endommagées. Des cabanes ont été enlevées par la mer et en partie démolies.
A l’Herbe, le réservoir de M. Lesca a eu ses perrés enlevés et la maison du garde se serait effondrée. » (La Petite Gironde, 12 janvier 1924)
Le vapeur Cap-Ferret, qui assure le transport des passagers entre Arcachon et le Cap à la belle saison, est ancré pendant l’hiver dans le port de Gujan. Il a eu ses quatre amarres rompues par le mauvais temps, et, poussé par le vent, a démoli la digue qui protégeait les réservoirs à poissons et ostréicoles.
Les dégâts sur le littoral atlantique
Dans son édition du 10 janvier, La Petite Gironde communique les dépêches de ses correspondants. De Biarritz à Brest, ils font état de « vagues atteignant parfois la hauteur de deux étages » qui « renversent des digues, emportent des murs, inondent des villas, jettent de nombreuses barques à la côte et causent des dégâts considérables. »
A Arcachon, on constate également d’importants dégâts matériels. L’usine de conserve Rodel et l’atelier de constructions navales Despujols sont envahis par les eaux. Le maire a fait appel au camp d’aviation de Cazeaux pour emprunter du matériel nécessaire à l’évacuation de l’eau.
De la Bretagne à la Côte Basque, c’est tout le littoral atlantique qui est balayé par cette tempête. A Biarritz, les dégâts concernent tout autant l’intérieur des terres (maisons inondées, jardins balayés, arbres arrachés, etc) que le port des pêcheurs (barques broyées). Le Rocher de la Vierge est violemment secoué par la mer et les falaises s’effondrent par endroits. Dans Bayonne, les cours d’eaux, comme la Nive, sont sortis de leur lit et submergent les quais, les caves, les rez-de-chaussée. Vers quatre heures du matin, les habitants de Royan sont réveillés par la cloche du port, actionnée par les douaniers de service. Les marins doivent se rendre au port pour protéger leurs bateaux. Le bateau à vapeur assurant la liaison entre Royan et Le Verdon s’est échoué, ses amarres rompues. A La Rochelle, les chantiers navals et la poudrière sont inondés. Dans plusieurs localités, le sable ou les galets obstruent les égouts, bloquent les rues.
Au secours des sinistrés
Au lendemain de la tempête, le préfet de la Gironde, M. Arnault, se rend sur le Bassin d’Arcachon, durement éprouvé. Il visite plus particulièrement les communes de Gujan-Mestras, Arcachon et La Teste :
« Après avoir donné aux agents techniques des instructions pour que soient prises d’urgence toutes les mesures préservatrices que comporte la situation, il a laissé à différents maires de la région certaines sommes d’argent destinées à subvenir aux besoins les plus pressants des populations sinistrées. »
Au cours d’une session extraordinaire le 27 janvier, le Conseil Municipal décide de faire procéder en urgence à la construction d’un nouveau remblai pour fermer la brèche dans la digue de Petit Piquey. Il reçoit l’autorisation de l’administration des Eaux et Forêts de prélever le sable nécessaire dans la Dune du Truquet, côté sud, qui se trouve à proximité des travaux à effectuer. C’est Alexis Porcher qui procède, le 14 mars, au piquetage de l’emplacement où la commune de Lège doit extraire du sable dans la Dune du Truquet. Les édiles votent également pour « la mise en place d’une canalisation en buses pour l’évacuation rapide des eaux, dans le cas où un nouveau raz-de-marée ou une forte marée provoqueraient une nouvelle inondation. »
Les sinistrés ne reçoivent pas tous, à priori, une aide financière. Dans une lettre adressée au Préfet de la Gironde le 28 février 1934, le Maire de Lège suggère que la totalité des indemnités allouées à la commune (et destinées aux familles victimes du « raz-de-marée ») soit attribué à Auguste Saubesty. Amputé d’une jambe et n’ayant pour vivre que le seul produit de son travail, il est, « de l’avis même des autres sinistrés », celui qui est « le plus éprouvé et doit, le premier, être secouru. »
Est-ce un vrai raz-de-marée ?
La presse de l’époque parle de raz-de-marée. Cependant, l’usage de ce terme est impropre. Le phénomène de raz-de-marée est provoqué soit par un séisme sous-marin, soit par un volcan. Ce n’était pas le cas lors de la tempête de janvier 1924. Mais le terme est resté dans le langage courant.
En conséquence, il est plus juste de parler d’un phénomène de submersion marine qu’un véritable raz-de-marée. Il s’agit de l’effet conjugué d’une tempête et d’une marée de fort coefficient qui provoquent une surcote du niveau de la mer, c’est-à-dire une hauteur supérieure à celle de la hauteur théorique par temps calme (comme lors de la tempête Xynthia, où la surcote fut de 1,50 m).
En 1924, la mer dépasse effectivement le niveau supérieur des plus grandes marées d’équinoxe. Des vagues de 7 à 8 mètres sont signalées à la pointe de Penmarch. Les vents puissants associés à cette tempête créent une forte houle comprise entre 4 et 8 mètres ; le coefficient de marée élevé (proche de 100) contribue à surélever le niveau de la mer lors des marées hautes ; la surcote généralisée du niveau de la mer, associée aux basses pressions ambiantes, est estimée à 40 ou 45 cm.
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Aldous Huxley, écrivain anglais (1894-1963)
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archives@legecapferret.fr
05.57.17.07.80
SOURCES ET RÉFÉRENCES
Les Archives municipales de Lège-Cap Ferret :
- Dossier sur le « raz-de-marée » de janvier 1924
- Délibérations du Conseil Municipal de Lège
- Fonds de l’Office National des Forêts
RetroNews, le site de presse ancienne de la BnF :
- La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, 10 janvier 1924
- L’Echo de Paris, 10 janvier 1924
- La Petite Gironde, 11 janvier 1924
- Le Petit Parisien, 11 janvier 1924
- La Petite Gironde, 12 janvier 1924
- La Gironde, 12 janvier 1924
Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF :
- L’Avenir d’Arcachon, 20 janvier 1924
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